Avis général : TOP
Ce livre est une petite pépite selon moi.
Non pas qu’il verse dans la critique facile et malsaine des économistes.
Non, ce qui fait la force du livre d’après moi, et ce qui le caractérise, c’est sa clarté et sa rigueur.
Les chapitres se suivent de façon très logique, le livre se « boit comme du petit lait », et par ailleurs le style est agréable et l’argumentaire ponctué de quelques piques plaisantes à mon goût.
Même si le fil rouge est le traitement du thème du changement climatique par les économistes, le propos va bien au-delà, et invite, de façon salutaire (et comme d'autres l'ont déjà fait), à faire la distinction entre discours économique et théorie économique, et à être vigilant face à ce qu’A. Pottier nomme les jeux de l’évocation.
La critique aurait à mon sens même pu aller plus loin en mentionnant les blocages au niveau de certaines solutions pour limiter les émissions de GES (création monétaire et lien avec l’inflation, rôle de l’Etat pour initier et impulser la transition, et en particulier, la rigidité sur les dépenses publiques, etc).
Mais peut-être que les blocages ici ne viennent pas tant des économistes, j’en sais pas grand-chose à vrai dire.
Le chapitre 9 sur le prix unique du carbone peut s’interpréter comme une réponse au chapitre 8 du dernier livre de Jean Tirole « Economie du bien commun ».
Le passage qui m’a le plus marqué est celui où on apprend que certains économistes en sont venus à la conclusion qu’un réchauffement de 6.2°C serait optimal. Whaatt ?! Faut-il le rappeler encore, encore et encore, une variation de la température moyenne sur Terre de 5° correspond à un changement d’ère climatique; lors de la dernière ère glaciaire il y a quelques milliers d’années, la température moyenne était plus basse de quelques degrés seulement. Il y avait alors de l’ordre de 1000 fois moins d’humains que maintenant, pas parce qu’ils étaient 1000 fois plus cons que nous ou que sais-je 1000 fois moins fertiles, mais parce que les conditions ne permettaient pas d'être aussi nombreux que maintenant !
Pas besoin d’être devin ou de construire une farce de modèle pour affirmer qu’une hausse de 6 degrés de la température moyenne, et brutalement de surcroît, rendra la Terre invivable pour quelques milliards d’humains.
Le "résultat" de cette "optimalité" est obtenu à partir d’une "analyse" coûts-bénéfices.
Déjà la démarche (analyse coûts-bénéfices) est a priori un contre-sens.
Entre autres caractéristiques, le changement climatique que l’on vit actuellement est en effet inédit (à différents niveaux) dans l’histoire de l’Homme. Ce mot, inédit, est lourd de sens : obtenir ne serait-ce qu’un ordre de grandeur des dommages associés (et donc des bénéfices, en euros) à un réchauffement de x ou y degrés est au mieux très risqué, mais plus sûrement impossible1.
Et puis, que dire de certaines méthodes utilisées par ces personnes pour tenter de (ne pas) parvenir à leurs fins... Ces mêmes personnes ne sont pas tant prétentieuses (chercher à estimer un réchauffement optimal) que, osons le dire, mauvaises (aucune prise de recul -ou trop peu- sur les résultats). Même si W. Nordhaus, pour ne pas le nommer, semble nuancer ses résultats, il ne remet pas fondamentalement en cause ni sa méthode ni ses résultats. La seule prise de recul recevable aurait été de dire, « 6.2°C de réchauffement optimal, c’est bullsh*t ». It's that simple.
Attention, je ne lui prête aucune mauvaise intention a priori. Je pense plutôt, qu’il est (ou était, on peut changer) ignorant, comme beaucoup d’entre nous il semblerait, des ordres de grandeur associés à un changement climatique de quelques degrés.
On connaissait certains économistes qui affirmaient en 2007 qu’il n’y aurait pas ou peu de crise économique, précisément parce les instruments responsables de cette crise (titrisation et dérivés de crédit, c’est à vrai dire leur excès plus l’absence de régulation qui ont conduit à la crise) étaient censés nous en protéger. Mais là, on franchit (pas chronologiquement) un autre cap, et pas des moindres, dans le genre pousse-au-crime, aucune peur de le dire.
1 : le groupe 2 du GIEC est chargé de faire la synthèse des recherches sur les impacts, la vulnérabilité et l'adaptation au changement climatique