Dans un monde purement théorique (donc imaginaire1), instaurer un prix du carbone unique (même prix pour tous les Etats), pour peu qu’il soit fixé au « bon » niveau (la question se pose s'il s'agit d'une taxe), serait suffisant pour atteindre les objectifs fixés ; et, par ailleurs, puisque ce monde est bien fait, le chemin tout tracé serait optimal : il serait de « moindre coût ».
Pas de gaspillage, efficacité maximale, si c'est pas beau.
Les investissements peuvent en effet être classés (ce classement a certaines limites qui ne seront mentionnées que très partiellement ici) en fonction de leur coût à la tonne de CO2 évitée. Le coût à la tonne de CO2 évitée d'un investissement équivaut à la valeur qui devrait être attribuée à la tonne de CO2 émise pour que ledit investissement soit rentable, pour un taux d'actualisation donné.
Le classement évoqué prend la forme d'une liste de mérite (Merit Order List ou préséance économique) : de la gauche vers la droite, "du moins cher au plus cher".
Donner un prix unique/uniforme au carbone garantit sur le papier que les objectifs de réduction des émissions seront atteints au moindre coût pour la société, puisque seuls les investissements dont le coût à la tonne de CO2 évitée est inférieur au prix du carbone seront réalisés (par des agents rationnels et parfaitement informés), dans la théorie faut-il le répéter.
Le coût marginal à la tonne de CO2 évitée (MAC : Marginal Abatement Cost) est égal au coût de la dernière ("à la marge") tonne de CO2 que l'on souhaite éviter ou économiser, et correspond au montant de la taxe carbone (et donc du prix unique) que le régulateur devrait fixer pour atteindre l'objectif de réduction défini.
MAC curve (MACC), source: ClimateWorks Australia, avec quelques ajouts personnels
Le coût à la tonne de CO2 évitée est calculé de la façon suivante.
Les coûts nets sont calculés par différence entre les coûts actualisés du scénario testé (celui où l’investissement supposément bas-carbone dont on cherche à évaluer la pertinence est réalisé) et les coûts actualisés du scénario de référence (en général scénario Business As Usual), les premiers étant censés être plus élevés que les seconds (généralement ce qui est bas-carbone est plus cher, pour dire les choses caricaturalement).
Les émissions évitées actualisées nettes sont calculées par différence entre les émissions actualisées liées scénario de référence et celles du scénario testé, les premières étant censées être plus élevées que les secondes.
Source : auteur
L’objectif préalable au calcul du coût à la tonne de CO2 évitée est bien de définir ce qui rentre en compte dans les « coûts », ainsi que dans les « émissions » (quel périmètre ?).
L’objectif de cet article n’est pas de discuter ce concept (MAC), la littérature à ce sujet est aussi abondante. Une autre représentation, dans un esprit un peu différent, pourrait être de classer les investissements par ordre décroissant de rendement (et non par ordre décroissant de MAC) et pour différents prix du carbone2.
Le calcul de coût à la tonne de CO2 évitée est une étape salutaire, permettant de fournir un ordre de grandeur, en général pertinent, de l’efficacité économique d’un investissement, mais avec de fortes incertitudes liées au choix des nombreuses hypothèses de calcul.
TRANSITION : Nous verrons par la suite, que ce prix du carbone, qui ne peut à mon avis pas être unique dans le monde réel, n'est par ailleurs en soi pas suffisant. Prôner un prix unique du carbone a-t-il alors du sens ?
1 : ce qui compte est aussi de savoir si les hypothèses nécessaires pour construire la théorie permettent d'aboutir à une approximation satisfaisante de la réalité.
2 : cela éviterait notamment les discussions sur le taux d'actualisation