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guillaumecolin

Le changement climatique en quelques lignes

Dernière mise à jour : 30 mars 2020


On a tous entendu dire que le changement climatique est un problème sérieux, on a tous entendu dire qu’il faut limiter le réchauffement à « 2°C », on a tous vu pleins de courbes qui montent, qui montent, sans qu’on comprenne toujours ce que cela signifie, on a tous entendu quelqu’un citer, de façon anxiogène, pêlemêle certains des effets possibles du changement climatique (hausse du niveau des océans, événements extrêmes, …).

Beaucoup des présentations que j’ai pu voir sur le sujet (que ce soit dans les médias ou en école d’ingénieur) passent souvent à côté des messages clés.

Voici donc comment, selon moi, se caractérise le changement climatique, en quelques mots, et quelques implications directes qui en découlent.

Messages clés

Quelques degrés de hausse de la température moyenne d'ici 2100, c'est un changement massif, brutal, irréversible, inédit, qui se manifeste(ra) avec un temps de retard.

C'est aussi un changement dont on peut probablement éviter les pires conséquences (pas toutes les conséquences, c’est trop tard), si nous agissons délibérément, rapidement et pragmatiquement.

Brève explication des termes et implications

Massif

L’ordre de grandeur que l’on doit avoir en tête est le suivant. 5° C de variation de la température moyenne planétaire correspond à un changement d’ère climatique : il s'agit par exemple de la différence de température moyenne entre le maximum glaciaire (il y a 10 000 ans en ordre de grandeur) et l'ère préindustrielle. Il y a 10000 ans environ donc, l’Europe et l’Amérique du Nord sont recouvertes de plusieurs kms de glace, la mer y est donc nettement plus basse (120 mètres !, on passe ainsi de la France à l’Angleterre à pied), il n’y a pas de forêt en France mais plutôt des steppes et toundras. Toujours en France, il y a alors quelques dizaines de milliers de personnes (en ordre de grandeur, mille fois moins que maintenant), ceci ayant un lien avec cela, non ?

Implication

C’est donc cet ordre de grandeur -changement massif de l’environnement lors d’une évolution de quelques degrés de la température moyenne- dont on doit se souvenir lorsque l’on compare l’importance des différents enjeux du 21ème siècle et que l’on doit faire des choix ou hiérarchiser des priorités (notamment en politique publique).

Inédit et Brutal

Le caractère "nouveau" (au sens de l’histoire de l’Homme notamment) du changement en cours a plusieurs dimensions : la rapidité ou brutalité du changement (par exemple, le passage entre la dernière ère glaciaire l’ère interglaciaire actuelle s’est faite au rythme moyen de 0.1 °C par siècle) , le niveau de concentration en GES atteint -et qui sera atteint au moment de son pic, le niveau de température moyenne atteint et qui sera atteint1....

Quelques implications

Même si l’on sait de mieux en mieux ce à quoi on peut s‘attendre (c’est le travail d'un groupe du GIEC), il faudra nécessairement s'attendre à des surprises (et plutôt mauvaises a priori).

Il est illusoire de penser que l'on pourra prévoir avec certitude et précision les conséquences du processus enclenché. Notre connaissance de beaucoup de phénomènes physiques est imparfaite. Nous ne savons pas estimer avec précision la plupart des seuils à partir desquels le système s'emballe (par exemple les rétroactions positives, dont le moment où les "puits de carbone" deviennent "sources"), ni même les seuils dans nos capacités (humaines) d'adaptation (et oui, ils existent aussi!).

Ainsi, attendre de connaître avec exactitude les conséquences (et ses coûts monétaires) du changement climatique pour lutter réellement contre ce changement est donc véritablement un contresens. Il faut agir alors même que nous n’avons pas les idées claires sur ce qu’on a à gagner (souvenons toutefois de l’ordre de grandeur cité au-dessus).

De la même manière, comme le dit J-M Jancovici par exemple, lutter contre le changement climatique, c’est tout faire pour que quelque chose qui ne s’est jamais produit ne se produise pas.

Essayer de chiffrer (en euros) avec précision les dommages futurs du changement climatique (Marginal Damage Costs ou MDC) est donc vain (évaluer les coûts de réduction –Marginal Abatement Costs ou MAC n’est déjà pas complétement évident). De là, estimer un réchauffement optimal (obtenu lorsque MAC = MDC) via un bilan coûts (MAC) – bénéfices (MDC) a non seulement aucun sens mais est dangereux.

En outre, la rapidité du réchauffement en cours laisse penser qu'il s'agira vraisemblablement d'un "choc" climatique, au sens où les écosystèmes auront peut-être du mal à s'adapter, ou alors basculeront dans des nouveaux états (ou équilibres) nettement moins favorables à nos sociétés telles que nous les avons construites.

Irréversibilité

Déjà, notons que l’irréversibilité se caractérise dans le rejet des GES. C’est en effet impossible de retirer les GES de l’atmosphère (au moins pour le moment, et ça paraît très difficilement envisageable même à l'avenir), et ceux-ci ont une durée de vie dans l'atmosphère de quelques dizaines d'année à quelques siècles.

Ensuite, les conséquences du changement climatique sont elles aussi très largement irréversibles. On ne va pas pomper l’eau pour compenser la hausse du niveau des mers, par exemple.

Les impacts du changement climatique en cours se feront sentir durant quelques siècles et sont irréversibles à ces échelles de temps. Ainsi, une fois que le mécanisme est enclenché, on ne peut revenir en arrière (contrairement à un certain nombre de problèmes environnementaux où dès lors que l'on supprime l'origine de ce problème -la nuisance, les conséquences de cette nuisance disparaissent - assez rapidement).

Le changement en cours est donc largement irréversible, pour quelques centaines à quelques milliers d'années.

Implication

Le schéma classique auquel on est habitué de type "essai, erreur, on retient la leçon" ne marche pas ici. On n'a pas droit à l'erreur, d'autant plus que beaucoup de bouleversements sont déjà en cours. La transition écologique, c'est one shot, mieux vaut donc bien s'y prendre.

Retard (ou Inertie ou hystérésis)

Il y a un décalage temporel très fort, de quelques dizaines années, entre le moment où les gaz à effet de serre sont émis (la cause) et le moment où la température mondiale augmente et où les conséquences ou effets commencent à se manifester (le décalage avec le maximum des conséquences est lui plutôt de l'ordre du millier d'années!).

Implication

A la fois nos bonnes (réduction d'émissions) et mauvaises (pas de réduction d'émissions) actions n'ont un effet perceptible que "beaucoup" de temps après le moment de leur survenue.

En particulier, nous ne percevons actuellement (fin 2016) que le début du commencement des effets du changement climatique, en raison de l'inertie du système climatique. Même si nous cessions d’émettre des émissions de GES dès maintenant, la température moyenne continuera d’augmenter (se stabilisant vraisemblablement vers de l'ordre de +1.5°C par rapport à l’ère préindustrielle), le niveau des océans continuera de monter avant de se stabiliser, plus tard, etc.

En d'autre mots, il faut agir maintenant avant qu’il ne soit "trop tard" et qu’on ne puisse que constater impuissants les dégâts (et les surprises).

Réponse délibérée

Il y a "trop" d’énergies fossiles dans le sous-sol terrestre au regard du "budget carbone". Autrement dit, il y a un problème de stock (problème compatible avec le problème de flux –la raréfaction des énergies fossiles aura -et a déjà- des conséquences sans doute préjudiciables à nos économies actuelles) et nous devrons délibérément ne pas exploiter – càd laisser sous terre- une grande part des ressources carbonées (80% en ordre de grandeur). Nous devrons nous priver du tiers des réserves de pétrole, de la moitié des réserves de gaz et de 80% des réserves de charbon pour préserver une chance de limiter la hausse à 2°C (ou toute autre combinaison de ressources fossiles qui respecte le droit à émettre).

Implication

Une action volontaire de baisse des émissions de GES est indispensable. Les nouveaux projets d’exploration du sous-sol visant à l’exploitation future de ressources fossiles n’ont pas de sens, et par ailleurs certains actifs n'ont plus de valeur (stranded assets) à la lumière des "2°C".

Réponse rapide

Pour limiter la hausse de la température à 2° C, et étant donné tous les GES que nous avons déjà émis, il nous reste un "droit à émettre" de 1000 milliards de tonnes de CO2 dans ce siècle. Cela revient en gros à un quart de siècle de nos émissions actuelles. Autrement dit, si les émissions de GES restent au niveau actuel pendant 20 années, d'ici 2040 disons, nous aurons atteint notre "budget carbone", c'est à dire la quantité de GES que nous pouvons émettre pour garder une chance significative de rester en-dessous des 2°C de hausse de la température moyenne.

C'est peu dire qu'il y urgence à (ré)agir : nous devons très rapidement baisser nos émissions de GES (alors que celles-ci n'ont jusqu'à présent -en 2015- eu de cesse d'augmenter), de l'ordre de 75% en moins en 2050 par rapport à ce que nous émettions en 2010.

Le schéma ci-dessous est assez révélateur. Pour garder 66% de chance de limiter le réchauffement global à 1,5°C (ce qui n'est déjà pas rien -euphémisme), on a "droit" à 6 années d'émission de GES (du niveau d'émission des dernières années), puis... plus rien jusqu'à la fin du siècle. On peut donc affirmer sans trop prendre de risque que la barre des 1,5 °C sera atteinte et même dépassée d'ici la fin du siècle.

Réponse pragmatique

Pourquoi être pragmatique dans la lutte contre le changement climatique ? Pour toute les raisons mentionnées au-dessus. En particulier, les actions visant à réduire les émissions de GES doivent être engagées avec un souci d’efficacité économique, c’est-à-dire idéalement par ordre croissant du coût à la tonne de CO2 évitée.

1 : "En particulier, sur les 400.000 dernières années, le maximum de la moyenne annuelle de la température est de 1 à 2°C au-dessus de la moyenne actuelle (16 à 17 °C au lieu de 15) ; la dernière fois était il y a 130.000 ans." : https://www.manicore.com/documentation/serre/passe.html

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