La Transition Écologique s'inscrit dans l'Anthropocène, période (géologique?) qui se caractérise par l'action "non négligeable" de l'Homme sur son environnement, pour dire les choses très simplement.
L'action de l'Homme sur son environnement naturel pouvait être considérée comme "négligeable" avant les successives Révolutions Industrielles.
"Mais ça, c’était avant", comme le dit la formule consacrée.
En approximant la pression de l'Homme sur l'environnement par la consommation mondiale d'énergie, on constate que cette pression a été multipliée en ordre de grandeur par 1000 (!) depuis le milieu du 19ème siècle (consommation d'énergie par personne multipliée par 100, population par 10). Cela ne constitue pas en soi une preuve de la non-soutenabilité de nos modes de vie actuels (ne pas confondre valeurs relatives et valeurs absolues). Mais de fait, nos modes de vie le sont devenus, insoutenables, depuis déjà 40 ans, que ce soit en moyenne pour un être humain et d’autant plus pour un Français par exemple1.
Être écolo, c'est bien plus avoir conscience de ces ordres de grandeur2, inédits dans l'histoire de l'humanité, que voter pour un parti qui se revendiquerait comme tel. Sauf à être complètement déconnecté, nous sommes donc tous écolos (au sens qui vient d'être défini), non ? Ou bien sommes-nous honteux d’employer ce terme ?
Cette pression accrue induit des enjeux de deux types :
amont : raréfaction des ressources non-renouvelables (la production/consommation ou le flux de ce type de ressource passera nécessairement par un maximum, indépendamment de toute question de prix faut-il le préciser), dont les ressources énergétiques fossiles, et
aval : problèmes d'exutoires ou de "poubelles qui débordent", dont l'atmosphère et sa concentration en Gaz à Effet de Serre (GES).
On comprend rapidement que ces deux catégories d'enjeux sont liées : plus des problèmes amont se manifestent, plus il est probable que des problèmes aval apparaissent, par la loi de la conservation de la masse (c'est une rétroaction parmi tant d'autres). Inversement, la résolution de l'un de ces deux problèmes facilite la résolution de l'autre problème.
C’est une double peine ou un double dividende, quitte ou double, faites vos jeux.
La Transition Écologique intègre la Transition Énergétique (dont on pourrait dire que son objectif final est de limiter le réchauffement en cours à "2°C en 2100"), qui est peut-être la transition la plus emblématique, mais ne s'en limite pas, tant du point de vue des enjeux auxquels elle envisage de répondre (il y a le sujet de l'énergie, aussi celui de la biodiversité, celui des services écosystémiques, etc) que du point de vue des réponses à apporter (au sens où il ne s'agit pas seulement de "toucher" à l'énergie).
Au niveau des réponses, c'est à dire de sa traduction concrète, en faits et gestes, elle inclut également, selon moi (et c'est peut-être prétentieux de l'affirmer), une transition financière et économique (notamment macro-économique3) accompagnée de la remise en question d'un certain nombre de dogmes.
La réduction des émissions de GES à un niveau et une vitesse qui permettent de limiter la hausse de la température moyenne à 2°C en 2100 à mon avis ne pourra se faire via la seule baisse de notre consommation d'énergie et la diversification de notre mix énergétique (décarbonation de notre mix). En plus des transitions économiques et financières évoquées au-dessus, la Transition Énergétique doit être accompagnée, je pense, de réflexions et débats francs et sereins (mais est-ce seulement possibleet encore temps?) sur le pouvoir d'achat et la démographie.
Tout l'enjeu de la Transition Écologique est donc de ramener volontairement l'empreinte écologique de l'Homme à un niveau soutenable.
C’est bien du caractère volontaire de l’action qu’il s’agit, puisque le "retour à la normale" se fera (et a vraisemblablement déjà commencé)4, quoi qu’il en soit, indépendamment de nos croyances, du progrès technique, de notre paresse, du président élu, etc; c’est là le sens du mot insoutenable : la transition écologique n'est pas une option.
Il ne tient qu’à nous, intelligents êtres humains, de choisir le chemin le plus apaisé pour y parvenir, et en particulier nous, quelques 800 000 ingénieurs Français en cette fin 2016, prétendument pragmatiques et rigoureux, d’assumer enfin nos responsabilités et de donner plus de consistance à la transition écologique.
C’est le moment d’aller au charbon les gars (et d’en sortir, private joke) !
1 : voir l’infographie de WWF; l'empreinte écologique par définition masque les "inégalités" : notamment, l'insoutenabilité est plus forte pour certains problèmes (changement climatique) que pour d'autres et est variable d'une zone à l'autre.
2 : et des conséquences concrètes de cette pression de l’Homme : changement climatique, artificialisation des sols (en France, l'équivalent d’un département est perdu tous les 10 ans, sérieusement ??), biodiversité en berne, etc, la liste est longue, chiante et fait peur
3 : lire par exemple deux billets de G. Giraud sur la science économique: ici et là.
4 : pour ce qui est du pétrole par exemple (voir contrainte Energie)