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  • guillaumecolin

2017 : Optimisme ? Pessimisme ? Catastrophisme ?

Dernière mise à jour : 30 mars 2020


La transition écologique connaîtra-t-elle le succès ?

Voici un petit état des lieux de ce qui incite plutôt à l'optimisme ou au pessimisme à ce sujet en ce début d'année.

La liste est bien sûr non exhaustive et subjective (voir par exemple les motifs d'espoir selon Carbon Traker).

Optimisme

  • On ne part pas de zéro, des actions ont déjà été entreprises, en France par exemple :

  • Loi sur la transition énergétique (avec notamment l’article 173), loi sur la biodiversité; ces lois récentes ont toutefois leur lot de défauts et contradictions,

  • Réglementations déjà en place dans certains secteurs (donc prix du carbone implicite), notamment le transport et le bâtiment. A noter que l’enjeu dans ces secteurs réside principalement dans le renouvellement du parc existant (rénovation) ; or le rythme de rénovation (des bâtiments existants par exemple0) est pour le moment trop faible. A nouveau, ne pas confondre valeurs relatives et valeurs absolues (si on ne touche pas au parc de bâtiments existants et que l’on construit des maisons plus performantes énergétiquement, l’intensité énergétique moyenne des logements baisse mais pas nécessairement la consommation agrégée du parc),

  • Taxe carbone en France en place, ça y est, et le prix monte attention, ça déconne pas (de l’ordre de 30€ la tonne en 2017) ! Mais … le prix est encore trop bas pour avoir des effets (des incitations) significatifs ; et par ailleurs, le système n’est pas complété par des taxes aux frontières pour limiter les émissions « importées »,

  • Marché du carbone existant en Europe et couvrant la moitié des émissions de CO2 de la zone concernée, mais déficient (prix trop faible –quasi nul début 2017), et par ailleurs, les réformes envisagées (agir sur l’offre de quotas via une réserve, instaurer un prix plancher, etc) n’auront des effets sur le prix qu’à moyen terme,

  • Les feuilles de route de la transition énergétique sont sur la table (11 scénarios de transition issus du DNTE), en toute rigueur démocratique, il devrait maintenant y avoir débat sur les solutions à privilégier

  • Finance verte naissante et grandissante, à la fois en termes d’adaptation au changement climatique et d’atténuation (parmi les 3 types de risques identifiés par M. Carney, 2 sont plutôt des risques liés à l’adaptation -risques physiques et de responsabilité, tandis que le risque de perte de valeur pourrait plutôt être rangé dans la case atténuation). En termes d’actions de type atténuation, on peut citer les campagnes de désinvestissement croissantes ou divestment, le développement d’indices boursiers bas-carbone (Low Carbon 100 d’EuroNext par exemple, voir également la méthodologie Carbon Impact Analytics), l’existence de groupes de travail au FSB (c’est dans ce type d’organisation que l’on peut espérer l’émergence d’actions concrètes et contraignantes), les propositions de la fédération bancaire française (green supporting factor : baisse des ratios de solvabilité pour les investissements « verts »)

  • Au niveau mondial, ¼ des investissements nécessaires dans les infrastructures sont déjà réalisés (250 Mds annuels sur 1000 Mds requis pour la décarbonation). L’enjeu est donc d’accélérer un processus engagé (décarbonation) à travers un changement de la composition des investissements,

  • Ces investissements bas-carbone sont, d'après le rapport New Climate Economy, pas beaucoup plus élevés au niveau mondial que les investissements Business As Usual (93 000 Mds de $ contre 89 000 Mds de $ sur la période 2015 - 2030, sans prendre en compte les coûts d'adaptation plus élevés dans le cas BAU),

  • Mobilisation (croissante ?) de la société civile sur les questions du climat (association 350.org par exemple)

  • Effets du changement climatique déjà ressentis, de manière directe (notamment pays sub-sahariens, états insulaires, Californie, Canada, etc) ou indirecte (réfugiés climatiques, désordres sociaux par suite d’évènements extrêmes, etc), de même que les effets de la contrainte énergétique (Europe notamment) ou d’autres effets de la pollution (particules fines en Chine) : on peut espérer que ces différents acteurs, sauf à être sadomaso et/ou dans le déni le plus complet, poursuivent ou engagent véritablement des actions de réduction de leur empreinte écologique,

  • Nouvelles capacités électriques : plus d’ENR que de centrales fossiles (compétitivité des ENR en nette hausse). Mais cela n’est pas une fin en soi. La finalité, c’est que les centrales fossiles (à base de charbon notamment) disparaissent, pas que les centrales ENR se construisent.

  • Accord de Paris : bon signe, dynamique "proactive" des Etats qui ont tous fait l’effort de réfléchir à un "sentier de décarbonation"

  • Problèmes d’origine humaine donc pouvant être réglés par les Hommes

  • La France est bien placée dans la gestion et résolution des « gros problèmes complexes », comme l’affirme J-M Jancovici

Pessimisme

  • A la plupart des motifs d’espoir précédemment cités, on pourrait presque systématiquement (et désespérément) répondre : « c’est positif -le fameux premier pas- mais bien peu et bien tard »... Toujours est-il qu’il ne faut pas se tirer vers le bas (cf catastrophisme plus bas), qu’on ne peut pas se le permettre de toute façon, qu’il faut aller de l’avant en s’accrochant à ce qui marche ou est en passe de marcher, puis … passer la vitesse supérieure !

  • La baisse des émissions de CO2, réelle en France ou en Europe, s’est majoritairement faite de façon subie à mon sens (du fait de contraintes physiques et des limites géologiques sur l’offre énergétique -pic de pétrole conventionnel franchi en 2005, approvisionnement décroissant en Mer du Nord- et d’une concurrence accrue pour l’accès aux ressources avec les pays en développement -demande en hausse)1. Au niveau mondial, nous sommes vraisemblablement aussi sur la voie d'un retour à la normale "sportif".

  • Certaines politiques publiques de soutien ont des coûts élevés à la tonne de CO2 évitée (les projets de route solaire sont particulièrement révélateurs)

  • Election ou montée en puissance de populistes qui sont très largement ignorants (ou alors feignent d’ignorer) des problèmes écologiques (D. Trump par exemple, ses marges de manÅ“uvre sont cependant dans une certaine mesure limitées)

  • Je-m’en-foutisme, apathie d’un certain nombre d’entre nous sur les problèmes écologiques ; ou, absence de discernement sur la hiérarchie des enjeux écologiques et donc sur les actions prioritaires à mettre en Å“uvre (exemple emblématique en France : risques comparés entre énergie nucléaire et des énergies fossiles) ; pas d’évolution notable de la prise de conscience dans les enquêtes d’opinion (sur l’importance du réchauffement climatique par exemple) ou alors contradictions patentes (dans ce sondage, volonté simultanée d’une hausse du pouvoir d’achat et d’une baisse des ennuis écologiques ! le beurre et l’argent du beurre, toujours la même rengaine). Or, en démocratie la contrainte (i.e brider la croissance via des écotaxes en économie de marché ou plus simplement ne plus poursuivre la croissance) ne sera vraisemblablement pas acceptée s’il n’y a pas de compréhension claire de ce qui est en jeu.

  • Chez un certain nombre de personnes, croyance excessive (rassurante) dans le progrès technique. Or il y a au moins une limite fondamentale au progrès technique comme solution unique aux problèmes écologiques : pour que le progrès technique (efficacité énergétique, technologies bas-carbone, etc) ait réellement un effet significatif à la baisse sur l’empreinte écologique, il doit être accompagné d’écotaxes (taxe carbone entre autres), c’est-à-dire mis au service de la transition écologique. Ces écotaxes sont nécessaires : elles entraînent une hausse des prix de revient des commodités, ce qui limite l'effet rebond. Sans elles, différents effets rebond amortiront (dans une certaine mesure, variable) les gains permis par le progrès technique (le progrès technique en tant que tel conduit à une hausse du pouvoir d’achat, à revenus nets constants). Le principal verrou à faire sauter est donc bien plus psychologique et culturel (accepter de brider la croissance avec des écotaxes) que technologique.

Or, début 2017, il n’y a de prix du carbone (explicite) significatif (que ce soit via une taxe ou même un marché) que dans peu de pays : le progrès technique n’est donc pour le moment pas mis au service de la baisse des émissions de GES (comme expliqué plus haut),

  • Un corollaire de ce qui précède est la confusion parfois faite entre relatif et absolu, croire que faire mieux implique nécessairement faire moins : ce n’est pas le cas, notamment s’il y a empilement et non substitution, si on rajoute sans enlever ce qui gêne (exemple des ENR déjà cité plus haut). Autres exemples « d’empilement » (mieux mais pas moins) : développement des transports en commun qui entraîne une augmentation de trafic et peu de report modal, construction de bâtiments neufs performants énergétiquement sans démolition ou rénovation du parc existant,

  • Plusieurs problèmes de perception ou biais cognitifs, dont :

  • croyance en ce que le problème est "en cours de résolution", que le processus démocratique (COPs) permettant de gérer le changement climatique va porter ses fruits : il y a là un schisme de la réalité, que met en évidence Amy Dahan notamment. En témoigne la différence entre le rythme d’évolution des émissions mondiales requis pour rester sous les 2° de réchauffement (baisse de quelques % tous les ans) et la réalité de l’évolution des émissions (les émissions mondiales de CO2 ont stagné en 2015 et 2016, après des années de hausse continue, bel exploit !) ; ou encore, l'ampleur du défi (cf budget carbone restant) vs la représentation du défi chez beaucoup de personnes,

  • on a du mal à percevoir les effets indirects du changement climatique, et à établir des liens de cause à effet (en remontant à la "racine" du mal) dans un monde de plus en plus complexe. Or c'est bien ces effets indirects du changement climatique qui risquent d'avoir les plus graves conséquences (déplacements de population, conflits armés, etc.)

  • fable de la grenouille, syndrome du décalage du point de référence (shifting baselines) : on raisonne en relatif. On ne compare pas instinctivement les évolutions en valeur absolue, on compare par rapport à un référentiel lui-même mouvant (on va par exemple comparer les températures du moment présent à celles de l'année dernière à la même époque), ce qui de fait n'aide pas à apprécier l'ampleur des changements en cours. Les présentateurs météo dans les médias grand public comparent les températures du jour à la "moyenne" ... 1980-2010 : on lisse les variations

  • la confrontation entre l'inertie des phénomènes climatiques et la psychologie humaine : cocktail dévastateur, puisqu'on ne perçoit pas plus l'effet concret (en terme de modification du climat) de nos mauvaises actions que celui de nos bonnes actions (i.e actions de réduction d'émissions) avant au mieux plusieurs dizaines d'années...

  • "on sait mais on fait pas" ou surtout, on fait semblant de ne pas savoir (on est dans le déni de quelque chose aux conséquences fâcheuses) : exemple de la consommation de tabac. Quel fumeur ne connait les méfaits du tabagisme? Et pourtant, certains justifient de manière bidon leur consommation : "il faut bien mourir de quelquechose", "de toute façon, tout est mauvais; on ne peut plus rien faire"...

  • Offre politique française, hum. Certains ont le mérite de parler d’écologie, plus ou moins bien à mon sens, et même de placer la transition en haut de leur programme (Y. Jadot, J-L Mélenchon, A. Montebourg, B. Hamon notamment). Leurs visions de la transition (hiérarchie des enjeux et objectifs) et leurs façons de s’y prendre (efficacité des mesures, contradictions à certains niveaux –A. Montebourg, « président de la fiche de paie », base par ailleurs son programme économique sur une croissance de 2%, vraiment? Qui y croit ?) peuvent en revanche parfois laisser perplexe. Les autres candidats sont pour le moins peu loquaces sur le sujet fin 2016.

  • A mon sens, persistance d’un certain nombre de dogmes économiques qui bloquent le recours à de possibles moyens d’action. Parmi ces dogmes : duo "création monétaire systématiquement inflationniste + inflation systématiquement à éviter", création monétaire devant être réalisée sans fléchage (c’est le cas de la création monétaire actuelle de la BCE –Quantitative Easing, d'où l'enjeu d'un QE vert), déficits budgétaires de l’Etat « sous 3% », priorité à donner au désendettement public, etc.

  • Doutes sur la capacité de nos sociétés, et en particulier démocraties, à fonctionner en absence de croissance économique; la décroissance n’est pas une fin en soi, éventuellement un moyen –et là le débat mériterait d’être posé, l’objectif étant la baisse de l’empreinte écologique de l’Homme avec création de valeur sociale –emploi, baisse des inégalités, solidarité- et préservation des libertés (liberté, égalité, fraternité, n’est-ce pas ?)

CONCLUSION PROPOSÉE

Pessimisme ou optimisme, faites vos jeux, rien ne va plus !

Pour résumer, je dirais que pour le moment (début 2017), on est plutôt engagé sur la voie d’une résolution non volontaire ou subie de nos problèmes écologiques (pessimisme donc), mais point de fatalité, il ne tient qu’à nous d’inverser, tant qu’il en est encore temps, s'il en est encore temps, la tendance de fond. Et certaines choses laissent à penser que c’est envisageable (optimisme mesuré ?), et qu’en particulier en France, y a moyen.

Ce sont bien les actions de chacun d’entre nous qui feront qu’à la fin de l’année 2017, les motifs d’espoir seront, ou non, encore plus nombreux.

0 : En ordre de grandeur, 250 000 logements anciens ont été rénovés en 2014. Il s'agit de doubler ce rythme pour parvenir aux objectifs fixés.

1 : cette affirmation mériterait un article complet. Pour l'étayer, on peut citer : le fait que le progrès technique ne soit pas mis au service de la transition (pas d'écotaxes), la hausse au moins pour partie superficielle de l'efficacité énergétique et donc du PIB (bulles financières et immobilières, et par ailleurs le PIB -réel- tien compte de l'inflation de ce type d'actifs). Enfin, le récent découplage relatif voire absolu pour la France entre émissions de CO2 et PIB n'est valable que pour un périmètre restreint de prise en compte des émissions (il n'y a pas de découplage si l'on regarde les évolutions comparées bilan carbone / PIB)

 

Précision sur le catastrophisme

Lorsque l’on parle des problèmes écologiques, que l’on évoque la possibilité que nos sociétés s’effondrent du fait de la raréfaction des ressources fossiles (au premier chef le pétrole), et ce, d’autant plus fortement par suite d’un réchauffement climatique de quelques degrés de température moyenne, certains parfois répondent : « arrêtez d’être catastrophiste ! », « ne jouez pas les Cassandre ! », ou encore « vous êtes radical ! ».

Que les choses soient claires, et de deux choses l’une :

  • d’abord, je ne pense pas que la peur d’un effondrement soit irrationnelle (en tout cas, je n’ai pas entendu de contre-argument satisfaisant !) -ce qui ne veut pas dire que l'effondrement aura effectivement lieu,

  • Cet effondrement est donc possible, à craindre même puisque nous n'avons jusqu'à présent (ce terme a toute son importance) pas infléchi significativement notre empreinte écologique. Il ne s’agit donc pas de faire peur pour faire peur, au risque de tétaniser (dans ce cas-là, la prophétie devient "autoréalisante" - elle conduit mécaniquement à la réalisation des événements annoncés : le constat –sur le danger des bouleversements écologiques- doit être accompagné d’un message excitant, mobilisateur, qui suscite de l’espoir); il ne faut pas confondre catastrophisme et défaitisme.

Sur le premier point, à regarder un peu plus loin (pas beaucoup) que le bout de son nez, en particulier à voir la dépendance de nos économies aux énergies fossiles et surtout les ordres de grandeur associés à un réchauffement climatique de quelques degrés (on parle de changement d’ère climatique tout de même), oui, ce qui est en jeu est bien la survie de nos sociétés telles que nous les connaissons, ça me semble clair, nan ?

Tant que nous ne serons pas convaincus de cela, il est malheureusement probable que l’effondrement craint se produise, la réponse n’étant alors pas à la mesure de l’enjeu (en termes d'intensité, de temps de réaction, etc) du fait d’une compréhension biaisée du problème.

On ne soigne pas une grave maladie (notre addiction aux énergies fossiles, le changement climatique, voire nos sociétés libérales telles que fonctionnant actuellement, diront certains), dont le diagnostic (pour le changement climatique) a été établi par des scientifiques de différents horizons, avec un traitement inadapté.

Et il faut par ailleurs être convaincu du diagnostic pour en accepter le remède.

C’est bien parce qu’on craint pour notre vie que l’on accepte de suivre un traitement aussi dur qu’une chimiothérapie par exemple, n’est-ce pas ?1

Une fois que l’on a compris la place qu’occupe l’énergie dans nos vies, alors on a compris que l’empreinte écologique ne se réduirait volontairement en prenant de l’homéopathie (éteindre la lumière en quittant la pièce, pensez-y), en allant consulter un marabout (dans le cas du changement climatique, l‘équivalent du marabout est le marchand de doute, expression que l’on préférera à celle de climato sceptique, plus ambiguë), ou en attendant je ne sais quel miracle technologique (ce bon vieux progrès).

Entre défaitisme et optimisme exagéré (relevant de la croyance), il y a une voie à trouver, lucide et porteuse d'espérance.

La fenêtre de tir est étroite, et c'est la seule que nous aurons.

1 : ici, la contrainte, toutes proportions gardées (vraiment), s'appelle les écotaxes

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