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guillaumecolin

Crise énergétique : l'heure du bilan ... carbone

Tribune parue dans Les Echos Le Cercle, le 1er Avril 2022

 

En l’espace de quelques semaines, tirés par les événements tragiques en Ukraine, les prix des carburants ont augmenté en France de plus de 50 centimes d’euros par litre, soit l’équivalent d’une augmentation de plus de 200 euros du prix de la tonne de CO2 !


En comparaison, la taxe carbone (ou contribution climat énergie) s’appliquant sur les carburants en France devait passer d’environ 45 euros en 2018 à 55 euros la tonne de CO2 en 2019, soit une augmentation de 10 euros la tonne (ou quelques centimes d’euros par litre de carburant), autrement dit vingt fois moins que la hausse qui vient d’intervenir de manière brutale.


Inutile de rappeler que cette hausse envisagée n’a finalement jamais eu lieu puisque la taxe carbone a été gelée suite au mouvement social des gilets jaunes fin 2018, et n’a depuis pas évolué.


En parallèle, la taxe carbone française souffrait certainement de défauts : manque de transparence, utilisation imparfaite de ses recettes, sous-investissements dans les infrastructures bas-carbone rendant les alternatives aux carburants fossiles difficilement accessibles, redistribution insuffisante à destination des personnes les plus sensibles au prix du carburant, manque de pédagogie, etc.



 

Un constat amer


La hausse voulue, modérée et planifiée des prix des carburants, fonctionnant en circuit fermé (le produit de la taxe carbone abondant les caisses de l’Etat) était censée accompagner la décarbonation de l'économie en incitant à se sevrer des énergies fossiles.

Mais alors que cette dernière a été collectivement refusée, le pays subit aujourd’hui une hausse bien plus brutale et forte.

Fonctionnant cette fois-ci en circuit ouvert, puisque dictée par les prix de marché, les recettes abondent principalement les caisses des producteurs et États exportateurs d’énergies fossiles, dont la Russie, servant en partie à financer son expansion guerrière.


A défaut d'être prévisible au jour ou à la semaine près, ce nouveau choc inflationniste était cependant bien anticipable.

En effet, il est bien connu que les prix des ressources non renouvelables échangées sur des marchés financiers évoluent de manière extrêmement volatile.

Preuve en est que les ressources fossiles (pétrole, charbon et gaz), soumises à de très fortes contraintes géologiques et géopolitiques connaissent depuis des dizaines d’années une alternance de mouvements haussiers et baissiers plus ou moins marqués.


Ce qui est peut-être moins connu est qu’il s’agit en fait d’une propriété mathématique.

Le prix des énergies fossiles tend à se comporter de manière très aléatoire et irrégulière sur un marché financier, on parle alors de mouvement brownien.


La situation actuelle n’est donc en un sens pas surprenante, et est bien plus à ranger dans la catégorie des rhinocéros gris de Michelle Wucker (un risque probable, à fort impact mais négligé) que celle des cygnes noirs de Nassim N. Taleb (un événement peu probable, imprévisible et à fort impact).


Quelles solutions mettre en place pour sortir de cette dépendance énergétique ?


A court terme, ce sont largement des mesures de sobriété qui aideront à réduire la consommation à un niveau suffisant pour amortir le choc voire se passer du pétrole et gaz russes : réduction des températures de chauffage, réduction des distances parcourues et de la vitesse sur route, mutualisation des transports (covoiturage notamment), réduction plus générale de la consommation, etc.


A moyen terme, des solutions d'efficacité énergétique et de changement de vecteurs énergétiques viendront en complément : rénovation thermique et changement de systèmes de chauffage des bâtiments (e.g pompes à chaleur), déploiement accéléré des véhicules électriques et des énergies renouvelables, etc.


De façon peut être surprenante au premier abord, les outils de comptabilité environnementale (bilan carbone, analyses de cycle de vie) sont également particulièrement pertinents en ces temps de tension sur les énergies fossiles.

Le bilan carbone permet en effet d’évaluer le volume de carbone (ou d’énergies fossiles) dont dépend une entreprise sur l’ensemble de sa chaîne de valeur.


Grâce au bilan carbone, il est ainsi possible d’évaluer la sensibilité d’une entreprise à une variation du prix du carbone ou des énergies fossiles, et piloter ses choix stratégiques d’approvisionnement.

Il est alors envisageable d’estimer en ordre de grandeur la répercussion financière qu’aura une telle hausse une fois propagée de fournisseur en fournisseur (par exemple entre 5 et 50% du chiffre d’affaires des entreprises pour la hausse actuelle, en fonction des secteurs).


L'efficacité énergétique est un sujet plus que jamais d’actualité et à l’heure où de plus en plus d'entreprises se lancent dans la comptabilité carbone et où la sobriété commence à s'immiscer dans le débat public, une chose est sûre : il n’a jamais été aussi urgent de se décarboner.


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