top of page
guillaumecolin

"L'altruisme efficace", Peter Singer

Dernière mise à jour : 26 avr. 2020

Avis général : TOP


 

Avis sur le style d'écriture


Le livre est très plaisant et le plus souvent assez facile à lire car ponctué de nombreux témoignages d'altruistes efficaces.

En particulier, le style est agréable et la tonalité bienveillante.

La modestie épistémique de l'auteur est également appréciable : P. Singer n''hésite ainsi pas à mettre le doigt sur les problèmes non résolus ou points restant à clarifier concernant l'altruisme efficace (exemple de l'indicateur QALY que l'on évoquera plus tard).

 

Objectifs de lecture

Le livre est à mon avis particulièrement utile pour qui n'est pas convaincu que la raison plus que la passion devrait guider nos choix altruistes.


L'argument théorique de l'efficacité est en effet très puissant, presque irrésistible au premier abord : comment pourrait-on en effet justifier, si ce n'est par dogmatisme ou déontologisme, que l'on sacrifie des vies que l'on aurait pu sauver si l'on avait été plus efficace ?


Ainsi, pour qui n'est pas familier de cette notion d'efficacité appliquée à la morale, la découverte de ce mode de réflexion risque d'être tout à la fois gênante et détonante. Le style d'écriture, sans ironie ni sarcasme, aide le lecteur à s'ouvrir à l'altruisme efficace.

A titre personnel, ce livre a nourri mes réflexions sur la manière d'être contributeur efficace d'émissions évitées, autrement dit sur la façon d'être le plus efficace dans le cadre de la lutte contre le changement climatique.

 

Contenu du livre


Le livre donne un certain nombre d'occasions de tester nos intuitions morales : comment réagirions-nous face à tel ou tel dilemme éthique?

La réponse est apportée par l'auteur à l'aune du conséquentialisme (i.e qui se soucie des conséquences d'une action, par opposition à des principes moraux dits déontologiques) : comment faire le maximum de bien?


Il ne s'agit donc pas simplement de faire du bien, mais d'en faire autant que possible (c'est le sens de l'atruisme efficace) : se pose ainsi la question de l'efficacité des actions que l'on peut faire, ou dit autrement du bien que l'on va faire par temps ou argent dépensé ou investi.

Ainsi, l'idée est, d'une certaine manière, d'appliquer le cadre de pensée financier et économique (recherche de rentabilité financière maximale par des analyses de type coût-efficacité) à l'altruisme (recherche de rentabilité altruiste maximale), ce qui devrait échauder plus d'une personne.


A la fois les objectifs que l'on se fixe (ou plutôt les sous-objectifs au méta-objectif "faire le maximum de bien") et les moyens permettant de répondre à ces objectifs peuvent être hiérarchisés, au moins dans une certaine mesure et parfois non sans difficultés, en fonction de leur ratio coût-efficacité.

Il s'agit donc en fait d'un seul même raisonnement et d'une même démarche :

L'auteur ne prétend pas qu'une telle démarche soit infaillible ou puisse d'être systématiquement mise en oeuvre : P. Singer met ainsi en évidence les débats philosophiques concernant les indicateurs ultimes de mesure du bien que l'on fait (le DALY et le QALY, ou nombre d'heures de vie de qualité).


Une autre limite a trait à la difficulté théorique de calcul de l'efficacité d'une action : un tel calcul nécessite en effet l'évaluation simultanée du numérateur (le bien fait en valeur absolue -nombre d'années de vies sauvées, quantités d'émissions de GES réduites, etc.) et du dénominateur (quantité d'argent ou de temps investi). Étant donné que ce genre de calculs oblige généralement à se projeter dans le futur, il est associé à des incertitudes souvent très fortes (qu'il convient donc de quantifier de manière probabiliste).


Enfin, en pratique, le fait d'agir conformément à la hiérarchie des actions altruistes en fonction de leur ratio coût-efficacité n'a rien d'évident. En effet, nous avons des motivations, des droits (e.g droit de vivre) et des contraintes multiples : le désir de faire du bien existe probablement chez la plupart d'entre nous, mais il coexiste avec d'autres désirs auxquels nous attribuerons une importance variable et parfois légitime (ex : envie d'aller au restaurant, en vacances, etc.).


Il n'en demeure pas moins que se poser la question de l'efficacité de ses actions altruistes est le plus souvent une démarche intellectuelle extrêmement saine.


Si le livre n'est pas particulièrement ardu (y compris pour les non initiés à la philosophie morale), certains passages théoriques assez courts permettent au lecteur d'aller plus loin dans sa réflexion et son apprentissage de l'altruisme efficace.

On peut mentionner les passages sur :

  • l'utilitarisme de la règle,

  • La théorie de Hume inversée,

  • l'éthique des essais randomisés

  • Les risques existentiels, avec la mention du scénario de référence de N. Bostrom et de l'ordre de grandeur associé à un risque existentiel (1 Mds de vies humaines * 1 Mds d'années de vie sur Terre) et donc du bien associé à réduire de tels risques, ainsi que sur la manière de procéder pour réduire ces risques (notamment, miser sur les actions à co-benefices).


 

Conclusion


En somme, il s'agit à mon avis d'un livre extrêmement utile, tant je pense pour les non-initiés en philosophie morale conséquentialiste que pour ceux cherchant à approfondir leur apprentissage sur le sujet et cherchant un cadre conceptuel leur permettant de répondre à leurs dilemmes moraux.


En particulier, l'une des principales vertus du livre, à mon avis, est de nous rappeler l'importance des choix dans nos vies, du caractère indispensable des arbitrages, et de nous inciter à sans cesse hiérarchiser nos priorités.

Ce rappel me semble être très sain, alors que nous avons parfois tendance à croire ou faire croire que nous n'avons pas besoin de choisir de manière exclusive, que nous pouvons faire plusieurs choses à la fois, "en même temp".

Ne pas faire de choix, cela peut revenir à faire (parfois inconsciemment) le choix de ne pas sauver des vies qui auraient pu l'être.

81 vues0 commentaire

Comments


bottom of page