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  • guillaumecolin

La Net Zero Initiative (NZI), LA méthodologie de référence?

Dernière mise à jour : 4 juil. 2022


 

Introduction


La Net Zero Initiative (NZI) portée par Carbone 4 avance dans ses développements méthodologiques : une proposition de nouvel indicateur climat (le SCAP) ainsi qu’un guide sur le pilier B ont été publiés.


La NZI vient également de réaliser une jolie démonstration de force en fédérant une grande partie de la communauté des acteurs de la lutte contre le changement climatique (cabinets de conseil, plateformes SaaS, acteurs de la contribution, etc.) autour de principes communs censés guider la décarbonation des entreprises.


On ne peut que se féliciter et réjouir de voir autant d’acteurs s’aligner autour d’une même approche, ce qui devrait permettre de peser au niveau national et international et dans les instances de normalisation et choix de régulation et standardisation, et donc accélérer la lutte contre le changement climatique.


Être membre d’une telle communauté n’interdit en revanche pas de partager des points de vue ou propositions divergentes, ni de pouvoir discuter et débattre de telle ou telle solution méthodologique.


Il est ainsi légitime de s’interroger sur la pertinence et la cohérence de l’approche NZI, notamment en comparaison des autres alternatives méthodologiques.



 

Cela étant dit, comment évaluer la pertinence et la cohérence d’une méthodologie visant à permettre à des entreprises de se définir une stratégie de décarbonation?


Les principaux critères sont à mon sens les suivants :

  • Critère 1 : L’agrégation des objectifs de décarbonation (baisse des émissions) par entreprise doit permettre de satisfaire les objectifs de décarbonation au niveau global.

    • Autrement dit, si l’on agrège les objectifs de décarbonation proposés par entreprise, obtient-on la baisse d’environ 5% des émissions mondiales par an?

  • Critère 1 bis : Les objectifs de décarbonation sont-ils efficaces (au sens où ils cherchent à limiter le coût de la transition bas-carbone) et justes?

  • Critère 2 : L’agrégation des objectifs de contribution aux puits de carbone par entreprise doit permettre de satisfaire les objectifs de séquestration carbone au niveau global.

  • Critère 2 bis : Les objectifs de contribution carbone sont-ils efficaces (au sens où ils cherchent à limiter le coût de la transition bas-carbone) et justes?


Des éléments de réponses à ces critères ont été apportés dans différents articles sur ce blog, je vais donc simplement essayer de résumer très brièvement ici tout en renvoyant vers les articles .

A mon sens, si l’on juge la pertinence de théories alternatives à l’aune des 4 critères indiqués ci-dessus, alors la conclusion courte est qu'il me semble que la NZI est bien plus insatisfaisante que des théories dites conséquentialistes.



 

Reprenons les différents critères mentionnés ci-dessus :

  • Critères 1 et 1 bis : la NZI se réfère entièrement à l’initiative SBT pour guider les objectifs de baisse des émissions scopes 1 à 3 par entreprise (soit dit en passant le non respect des critères 1 et 1 bis n'est donc absolument pas propre à la NZI). La SBTi propose pour faire simple aux entreprises de se fixer des objectifs en valeur absolue ou intensité (économique ou physique). Proposer des objectifs en intensité implique automatiquement l’impossibilité de respecter les budgets carbone mondiaux, comme je l’ai expliqué plus en détail en introduisant le concept de triangle d’impossibilité.

Ces objectifs sont en outre largement inefficaces et injustes (au moins les objectifs de contraction des émissions en absolu ou intensité économique, qui sont indépendants du point de départ des émissions de chaque entreprise).


La clé pour résoudre le triangle d’impossibilité est de se comparer non à ses propres émissions attribuées (scopes 1 à 3) l’année passée mais à celles du système l’année passée (émissions dites de la situation précédente qui intègrent de potentiels effets de substitution).


En faisant cela, on résout presque magiquement tous les problèmes :

  • En s'inscrivant dans un unique cadre conséquentialiste, on obtient une théorie qui satisfait les objectifs globaux de baisse des émissions mondiales et on gagne largement en efficacité économique.

  • On simplifie la méthodologie en supprimant le découpage en pilier A et B : plus besoin de compter les émissions évitées d’une entreprise (qui ne menaient par ailleurs nulle part); l’objectif pour chaque entreprise se résume à réduire en absolu les émissions de la situation précédente de 5% par an.

J’ai donné plusieurs exemples concrets de la manière dont ce cadre conséquentialiste se traduirait pour des entreprises comme la SNCF, Blablacar ou encore Vinted.


Le prix à payer pour déployer une telle approche conséquentialiste est relativement mineur en comparaison de ce qu’il offre (il comprend par exemple une extension de la comptabilité carbone à l’aval de la chaîne de valeur -produits et services vendus en B2B).


  • Critère 2 et 2 bis : comme évoqué dans cet article, la proposition de la NZI concernant les objectifs de contribution carbone par entreprise ne permet pas de satisfaire les objectifs globaux de séquestration carbone : l’agrégation des objectifs de contribution carbone par entreprise conduit à un très large sur-développement des puits de carbone (et l’idée proposée par la NZI de partage des volumes de séquestration entre entreprises d’une même chaîne de valeur est impossible à mettre en œuvre en pratique). En outre, les objectifs proposés sont également particulièrement injustes.



 

Autres digressions


Rasoir d'Ockham, NZI et théorie conséquentialiste

Peut-on invoquer le rasoir d’Ockham pour faire valoir la supériorité d’une théorie conséquentialiste?

Je pense que oui … mais ça n’est même pas nécessaire, puisque une théorie à la NZI ne remplit aucun des critères 1 à 2 bis (le rasoir d'Ockham pourrait être invoqué pour arbitrer entre des théories à performance équivalente, ce qui ne semble pas être le cas ici).


Néanmoins, “l’inflation méthodologique” que l'on constate dans la NZI (mesure et objectifs d’émissions évitées -piliers B1, B2, etc., nouvel indicateur SCAP, etc.) n’est à mon sens pas anodine : elle est révélatrice de l’instabilité de l'édifice méthodologique.


Le problème à résoudre (quels objectifs de décarbonation par entreprise, sachant que les émissions mondiales doivent baisser de 5% par an, et sous contrainte d’efficacité et justice climatique) a été pris par le mauvais bout dés le départ (en s'adossant à la SBTi).

On essaye maintenant de corriger le tir avec de nouvelles rustines qui sont autant de tentatives vaines. On ajoute des briques à un édifice méthodologique et théorique de plus en plus instable.


Enfin notons que nous ne disposons pas encore d'une théorie conséquentialiste achevée : ce que j’essaye de proposer est davantage un fondement philosophique et méthodologique que j’estime être fertile et garant de cohérence, mais qui appelle encore beaucoup de réflexions collectives et développements.


Quelques remarques sur le SCAP

  • Peut-on dire d'un produit qu'il est compatible avec les accords de Paris? Cela a-t-il un sens étant donné que ce même accord implique une baisse des émissions en valeur absolue de 5% par an? A nouveau, raisonner en intensité ne permet pas de garantir le respect d’un objectif en absolu.


  • Si le SCAP n’a pas d’incidence sur la trajectoire d’émissions induites de l’entreprise, a quoi sert-il? Et quelle doit être cette trajectoire d’émissions induites? quelle est l’articulation entre les piliers A et B, et le SCAP de la NZI?

    • En fait on n’en voit pas, et il n’y en a pas, et même pire ne peut pas en avoir; en introduction de ses guides sur le pilier B ou le SCAP, NZI cite souvent l’exemple d’une entreprise qui vend des vélos et pourrait avoir des émissions qui croissent, ce qui est embêtant alors que toutes les entreprises sont invitées à réduire leurs émissions. En quoi est-ce que compter ses émissions évitées (pilier B) ou évaluer le SCAP répond à l’apparent paradoxe relevé?


  • Le SCAP repose sur des intensités carbone physiques plutôt que monétaires (dans l'approche conséquentialiste on raisonne en intensité carbone monétaire). Comme évoqué à travers les exemples de Blablacar ou Vinted, raisonner uniquement en intensité physique peut conduire à des conclusions largement erronées.

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