Introduction
Saviez-vous que pour se décarboner, les entreprises sont incitées à l'obsolescence programmée?
Qu'on les pousse à se déconnecter des réseaux électriques?
Ou encore que l’utilisation de matières recyclées ou de seconde main n’est pas valorisée comme elle devrait l’être?
"On compte ses émissions pour les réduire", aime à nous rappeler le Comptable avec un grand C.
Mais est-on si sûr que réduire les émissions que l’on vient de compter permet véritablement de réduire … les “vraies” émissions, celles du monde réel, les seules qui comptent?
En fait non, et nous avons déjà largement étayé sur ce blog quelques arguments appuyant cette affirmation.
Pour rappel, la principale critique des objectifs de décarbonation par entreprise est la suivante : on ne regarde pas le fait que les produits et services vendus par une entreprise se substituent à des alternatives plus carbonées, i.e contribuent à décarboner l’économie.
On adopte un point de vue purement centré sur l'entreprise, et non systémique permettant d'apprécier les conséquences liées à l'activité de l'entreprise.
Dit de manière plus pompeuse, on adopte une approche attributionnelle et non conséquentielle.
Ainsi, il ne serait pas pertinent pour une entreprise qui vend des vélos et qui est amenée à croître dans le cadre de la décarbonation de nos sociétés de se fixer des objectifs de réduction en absolu.
Pour lever cette contradiction trop grosse pour être ignorée, le cadre orthodoxe (SBT, NZI, etc.) propose une alternative que je juge très insatisfaisante et qualifie d'arnaque intellectuelle : cette même entreprise est invitée à compter ses émissions évitées, et se fixer des objectifs de décarbonation en intensité.
J’ai déjà expliqué à de nombreuses reprises les incohérences rédhibitoires de telles approches.
Il y a en fait d'autres arguments conséquentialistes qui permettent d'étayer l'argument suivant lequel le bilan carbone attributionnel d'une entreprise n'est pas le bon indicateur qu'une entreprise doit chercher à baisser.
Nous allons les exposer dans la suite de cet article.
Quelles autres incohérences?
Voici 4 autres raisons du fait que le bilan carbone attributionnel n’est pas le bon indicateur que l’on doit chercher à baisser.
Rappelons en préalable que la comptabilité carbone est par définition une construction humaine faite de règles arbitraires -ce que l’on a parfois tendance à oublier lorsque l’on utilise les expressions telles que “ réalité physique” ou "les émissions d'une entreprise", qui peuvent laisser penser qu'il s'agit là de quelque chose de non questionnable.
En particulier, le fait qu’il s’agisse d’une comptabilité attributionnelle n’implique pas -par définition- que baisser ses émissions attribuées soit nécessairement bon pour le climat, autrement dit que l’impact dans le monde réel de cette baisse comptable soit bénéfique (au sens conséquentialiste, de la variation des émissions dans le monde réel).
1ère autre raison : pénaliser les produits à longue durée de vie
Une entreprise qui vend des produits doit comptabiliser dans son bilan carbone les émissions sur la durée de vie du produit, depuis l'extraction des matières premières le composant jusqu'à sa fin de vie (e.g incinération, recyclage, etc.).
Cela inclut en particulier les émissions liées à l'utilisation du produit sur toute sa durée de vie (e.g la consommation d'électricité ou de carburant pour faire fonctionner le produit, qu'il s'agisse d'un lave-linge ou d'une voiture).
Ainsi, un fabricant automobile devra compter l'équivalent carbone de la consommation de carburant prévisionnelle des voitures vendues durant les X années où Y centaines de milliers de kilomètres prévisionnels de fonctionnement de la voiture (i.e durant toute sa durée de vie, jusqu'à la fin de vie).
Si cette règle semble pleine de bon sens (notamment si l'on cherche à évaluer la dépendance au carbone de l'entreprise), elle est néanmoins lourde d'implications dans une perspective de réduction des émissions de l'entreprise.
Car ce que dit cette règle, c'est que les émissions d'une entreprise sont corrélées positivement à la durée de vie du produit vendu.
Donc, pour réduire ses émissions liées à l'utilisation des produits, une entreprise dispose exclusivement de deux leviers : réduire l'intensité carbone par utilisation (e.g la consommation de carburant du véhicule vendu) et … réduire le nombre de cycles d'utilisation du produit vendu, i.e sa durée vie prévisionnelle (e.g nombre de kilomètres parcourus).
Ainsi, chercher à prolonger la durée de vie des produits vendus (ce que d'aucuns verraient comme une bonne action climat), c’est de fait augmenter les émissions attribuées à l'entreprise.
Un bilan carbone ne valorise donc pas les produits robustes et qui "tiennent dans le temps", à durée de vie prolongée.
Pire, il pousse (au sens de l'incitation comptable, i.e toutes choses égales par ailleurs) précisément à une forme d'obsolescence programmée pour limiter les émissions !
C'est problématique tant pour les produits qui contribuent à la transition que ceux dont on cherche à réduire l’usage.
Et c'est même doublement problématique : dans le cadre de la réduction des émissions par entreprise, comme on vient de le voir, mais également dans le cadre de la comparaison des performances environnementales entre entreprises.
Prenons l'exemple d’une pompe à chaleur à durée de vie très élevée.
Une entreprise qui vend de tels produits se retrouvera donc avec des émissions élevées en comparaison d’autres entreprises -toutes choses égales par ailleurs.
Certaines personnes pourraient répondre que la comptabilité carbone n’a pas pour objectif de se comparer … Je les renvoie vers mon article discutant de ce sujet.
D’un point de vue comptable, le premier levier de réduction pour un fabricant automobile est donc de … réduire la durée de vie des voitures qu'il vend.
Personne n'y avait pensé, pourtant il suffisait d'avoir des voitures roulant au maximum 40 000 km pour que les fabricants deviennent de facto alignés SBT.
Autre exemple : en termes d'émissions absolues, une marque textile de fast-fashion est doublement favorisée par rapport à une marque plus haut de gamme qui fabrique des produits durables.
D'abord sur la phase d'utilisation, car le nombre de cycles d'utilisation (ici nettoyage, séchage, etc.) est plus bas car un produit de fast-fashion dure moins longtemps.
Ensuite également parce que les produits durables le sont généralement au prix d'émissions plus importantes sur la phase de fabrication et dans le choix des matières premières.
A ce qui précède, on pourrait rétorquer plusieurs choses.
Déjà, on pourrait argumenter que l'on peut se fixer des objectifs par unité fonctionnelle (e.g par km parcouru pour une voiture ou par jour d’utilisation pour un vêtement), ce qui est recevable d'un point de vue SBT et permet de fait de répondre au problème de l'allongement de la durée de vie évoqué plus haut.
Cette proposition se heurte néanmoins à la limite des objectifs en intensité qui ne permettent pas de respecter les budgets carbone (cf le triangle d’impossibilité), et qui n'est donc pas une solution satisfaisante.
Ensuite, plus intéressant, on pourrait également rétorquer que si une entreprise vend des produits à durée de vie allongée, alors elle va moins en vendre (parce que les clients auront moins besoin de renouveler les produits), ce qui aura un effet à la baisse sur son bilan carbone et ses postes achats ou fabrication.
Autrement dit, certes les émissions d’une entreprise liées à l’utilisation de ses produits vendus seront augmentées toutes choses égales par ailleurs en cas d’allongement de la durée de vie des produits, mais cela devrait être contrebalancé par la baisse des émissions liées à la fabrication des produits.
Le bilan carbone d'une entreprise permettrait ainsi de retranscrire l'arbitrage entre allongement de la durée de vie (qui augmente les émissions) et économies de matières (qui diminue les émissions).
Il y a plusieurs limites fortes à ce qui précède :
déjà, un problème fondamental de temporalité et de retranscription dans la comptabilité carbone attributionnelle : si une entreprise augmente la durée de vie de ses produits vendus, cela aura un effet immédiat à la hausse sur son bilan carbone, tandis que la réduction des ventes ne sera perceptible qu’une fois le produit en fin de vie, c’est à dire bien plus tard dans sa comptabilité carbone. Par exemple, si un fabricant automobile fait passer la durée de vie de ses voitures de 10 à 11 ans (exercice de pensée, ne pas accorder trop d’importance aux valeurs), alors son bilan carbone en année N (qui comptabilise les émissions projetées dans le futur liées à l’utilisation) sera augmenté de 10% sur le poste utilisation des produits vendus, tandis que la baisse (éventuelle) sur le nombre de véhicules vendus ne sera elle que perceptible en année N+10 (lorsque le consommateur décalera de 1 an le renouvellement de son achat). Sur la période [N; N+10], les émissions de l’entreprise seront bien augmentées du fait de l’allongement de la durée de vie des produits vendus. Cette limite est donc d’autant plus forte que les produits ont une durée de vie importante (plusieurs années, ce qui est a priori le cas pour beaucoup de produits).
Ensuite, rien ne garantit qu'une entreprise vendra plus -resp. moins (ou autant qu’imaginé, çàd à iso-nombre de cycles d'utilisation) de produits parce que ceux-ci ont une durée de vie moindre -resp. allongée. L’allongement de la durée de vie d’un produit entraîne un gain de pouvoir d’achat pour le détenteur du produit, en comparaison du scénario sans allongement de durée de vie (sauf à ce que l’argent soit détruit, ce qui ne sera pas le cas dans une économie de marché telle qu'elle fonctionne actuellement). Ce regain de pouvoir d'achat impliquera nécessairement un rebond en termes de consommation et donc d’émissions pour l’entreprise (ou l’une de ses concurrentes, si le consommateur décide d’acheter un autre produit).
Pour résumer ce qui précède, l'incitation directe et à court terme faite à une entreprise pour réduire ses émissions attribuées est bien de réduire la durée de vie des produits vendus.
2ème autre raison : ne pas favoriser les achats d’électricité renouvelable
Commençons par un rapide rappel des règles de comptabilité des émissions liées à la consommation d’électricité.
Deux approches coexistent pour mesurer les émissions du scope 2 d’une entreprise : il s’agit des approches dites market-based et location-based :
L’approche location-based (basée sur la localisation géographique du consommateur) consiste à évaluer les émissions liées à la consommation d’électricité à partir de l’intensité carbone moyenne du mix électrique du réseau où l’électricité a été consommée (e.g France, Allemagne, etc.). Le seul critère est donc la localisation de la consommation, pas le type d'achat d'électricité.
Dans cette approche, les choix individuels des consommateurs (entreprises ou particuliers) en termes de contrat d’électricité ou fournisseur ne peuvent être valorisés directement dans les émissions du consommateur. Ils peuvent éventuellement l’être au titre des émissions évitées (sous certaines conditions, notamment si le contrat de fourniture permet de mettre en avant une additionnalité en termes de production d’énergie renouvelable).
L’approche market-based (basée sur les données de marché ou du fournisseur du consommateur) consiste à évaluer les émissions liées à la consommation d’électricité à partir de l’intensité carbone du fournisseur ou contrat d’énergie reliant le fournisseur au consommateur.
Dans l’approche market-based, les différents instruments et types de contrat valides (certificats, garanties d’origine, PPAs, etc.) doivent respecter un certain nombre de critères (ce que le GHG Protocol définit comme Scope 2 Quality Criteria), synthétisés dans le tableau suivant.
Parmi les critères à respecter, il y a donc principalement des critères d’unicité de l’instrument valorisable par le consommateur (i.e une garantie d’origine ou un PPA ne peut être valorisé que pour un seul consommateur), de spatialité (alignement entre le marché d’où est issu l’instrument et le marché où la consommation est réalisée), et de temporalité (même si pour le moment, le GHG Protocol stipule seulement de maximiser la granularité autant que possible, sans imposer de pas de temps minimum -i.e mensuel ou horaire).
Le tableau récapitulatif ci-dessous synthétise les types d’approche de comptabilité des émissions liées à la consommation d’électricité attendues en fonction du référentiel méthodologique (Bilan Carbone®, GHG Protocol) ou de la réglementation applicable pour des entreprises françaises (BEGES réglementaire, CSRD).
Notons que l’approche location-based est une approche très restrictive et discutable en termes d’incitations à destination des consommateurs, en particulier dans le cas où la production renouvelable issue de PPA coïncide temporellement -au pas horaire- et géographiquement -même pays- avec la consommation.
En effet, cela revient à consommation équivalente, à inciter les consommateurs à se déconnecter du réseau électrique pour réduire comptablement leurs émissions, et donc à renier les bénéfices du réseau électrique (en particulier, les gains d’échelle que celui-ci permet) et l’infrastructure existante.
L’autoconsommation est bien sûr bénéfique à la décarbonation mais ne devrait pas être le seul instrument valorisable dans les émissions liées à l'électricité d'une entreprise.
Par ailleurs, ce choix est également discutable du point de vue de la mesure de la dépendance et vulnérabilité carbone -à la fois physique et financière, généralement mise en avant comme étant l’un des objectifs de la comptabilité carbone.
En effet, si un consommateur est contractuellement lié à un PPA physique sur la même plaque électrique et qui “matche” à chaque pas de temps, le consommateur est a priori davantage dépendant (physiquement -via la connexion au mode de production grâce au réseau- et d’autant plus financièrement, puisqu'il paye le producteur) des émissions des modes de production auxquels il est contractuellement lié.
A défaut donc de pouvoir valoriser ses achats d’électricité verte dans son bilan carbone, les partisans de l’approche location-based proposent généralement de pouvoir les valoriser via un calcul d’émissions évitées.
Il s'agit là d'un détournement d'attention assez grossier auquel pourtant bon nombre d'entre nous ne trouvent pas grand chose à dire.
Pour résumer ce qui précède, dans le cadre de l'approche location-based, les consommateurs sont incités (toutes choses égales par ailleurs) à se déconnecter du réseau pour réduire leurs émissions.
3ème autre raison : pénaliser le recyclage
Recycler un produit n’est pas neutre en termes d’émissions. Pour pouvoir recycler un produit, il faut pouvoir collecter le déchet recyclable en fin de vie, puis le revaloriser (étape de traitement et de transformation).
Le recyclage a deux avantages en termes environnementaux :
il permet d’éviter les émissions liées à des scénarios alternatifs de fin de vie (incinération, enfouissement, etc.),
et il permet d’éviter les émissions liées à la fabrication de matière première vierge.
Or la comptabilité carbone attributionnelle ne permet pas de retranscrire ce double avantage, que l’on se place en aval d’une chaîne de valeur du point de vue de l’entreprise qui met ses déchets à recycler, ou en amont d’une chaîne de valeur du point de vue de l’entreprise qui consomme des matières premières recyclées.
La règle d'attribution privilégiée (dans la méthodologie Bilan Carbone ou GHG Protocol) est la règle dite cutoff (ou recycled content material).
Derrière ce nom en apparence mystérieux, il y a une convention en fait très simple : les émissions liées au processus de recyclage sont allouées à 100% à l'intrant recyclé (donc à l'entreprise qui s'approvisionne en matière recyclée plutôt que vierge), plutôt qu'à l'entreprise qui recycle son produit en fin de vie (autrement dit une entreprise qui recycle en fin de vie se voit allouer 0 émission).
Cette convention (comme beaucoup d'autres convention attributionnelles) ne permet pas de capter l'impact carbone complet de décisions de recyclage ou d'achats d'intrants recyclés.
En effet, comme évoqué plus haut, l'impact du recyclage se mesure bien par la comparaison des {émissions de la collecte et du traitement} au duo {émissions liées à la fin de vie alternative} et {émissions MP vierge évitées}.
Or du point de vue de l'entreprise qui recycle ou de celle qui utilise un intrant recyclé, seul l'un des deux avantages (et pas les deux, insistons c'est ça le point central) ne pourra être retranscrit dans ses émissions attribuées (son bilan caborne) -qu'il s'agisse de la règle cutoff ou d'une autre règle d'attribution d'ailleurs.
Ainsi, l'entreprise qui met son produit en fin de vie à recycler ne pourra valoriser qu'au titre des émissions évitées le fait que de la matière première vierge est économisée.
Symétriquement, l'entreprise qui utilise une matière recyclée en intrant ne pourra valoriser qu'au titre des émissions évitées le fait que de l'incinération ou de l'enfouissement de déchets a été évité.
Seule une partie des conséquences du recyclage est captée dans la comptabilité carbone attributionnelle.
Pourquoi est-ce embêtant?
Prenons l'exemple d'une matière recyclée plus émissive qu'une matière vierge (c'est le cas du carton en France), ce qui est possible et de fait désincite l'entreprise à acheter recyclé.
Est-ce à dire qu'en effet il est préférable d'un point de vue carbone dans ce cas de figure d'acheter du neuf plutôt que du recyclé?
Peut-être ... mais en tout cas ce qui précède ne permet pas de conclure.
Car la bonne comparaison pour répondre à cette question, à nouveau, n'est pas de comparer les émissions de la matière vierge à celle de la matière recyclée, mais de comparer les émissions de la matière vierge à celle de la matière recyclée ... moins les émissions évitées sur la fin de vie.
Ainsi pour l'exemple du carton, la comparaison en termes d'impact devrait inclure les émissions évitées liées à la fin de vie.
Dans ce cas là (approche systémique / conséquentialiste), la conclusion devient opposée : oui il est avantageux pour le climat d'utiliser du carton recyclé plutôt que du neuf, alors que l'acheteur de carton sera de fait incité à prendre du neuf pour réduire les émissions de son bilan attributionnel.
4ème autre raison : pénaliser les produits de seconde main (réemploi, réutilisation, reconditionnement, etc.)
Comment compter les émissions liées à un produit de seconde main?
Les règles de comptabilité attributionnelle ne sont pas claires à ce sujet, néanmoins dans une logique de dépendance au carbone on devrait compter 100% des émissions initiales du produit réutilisé.
On pourrait considérer qu’il s’agit d’un déchet et, dans la logique cutoff expliquée ci-dessus, attribuer 0 émission au produit réutilisé.
Mais comme expliqué dans cet article, à partir de quand doit-on considérer qu’un produit est un déchet? Un produit ayant servi une seule fois est-il un déchet, de telle sorte que l'entreprise qui le réutilise ne se voit allouer aucune émission?
En fait, dans l'esprit du cadre orthodoxe (comptabilité séparée des émissions induites et évitées), une entreprise qui achète un intrant réutilisé devrait compter 100% des émissions initiales liées au produit, et ... par ailleurs compter les émissions évitées permises par la revalorisation / réutilisation de ce produit.
Autrement dit, en toute rigueur dans la comptabilité attributionnelle, une entreprise ne devrait pas pouvoir valoriser dans son bilan carbone l'achat d'intrants de seconde main (rémploi, reconditionnés, réutilisés).
Tout au plus, et c'est particulièrement frustrant (d'où les entorses à cette règle que certains peuvent s'autoriser), ces "bonnes pratiques" peuvent être mises en avant via une évaluation d'émissions évitées (dont on comprend alors encore mieux le rôle de cache-misère).
Conclusion
Toujours les deux mêmes mauvaises réponses : réduire en intensité ou compter des émissions évitées.
Toutes deux sont des diversions, des détournements d'attention qui nous empêchent d'évaluer rigoureusement l'aglinement des entreprises avec la transition bas-carbone.
Rappelons la proposition alternative formulée sur ce blog : les émissions doivent passer d'un cadre de baisse des émissions attribuées, à un cadre conséquentialiste de baisse de leur impact carbone, i.e des émissions d'un scénario contrefactuel en leur absence.
Le cadre que je qualifie d'orthodoxe (et dont le paradigme central est de piloter de manière séparée émissions attribuées et évitées) est dans une impasse.
Persister dans cette voie conduira inévitablement à une décridibilisation de la profession et de la comptabilité environnementale comme motrice de la transition de nos sociétés.
Tentons un parallèle que certains pourront trouver audacieux.
On a créé au 20ème siècle une comptabilité monétaire (PIB) dont la croissance est devenue pour beaucoup l'objectif principal de nos sociétés, alors même que cela n'est pas pertinent.
On a créé au début du 21 ème siècel une comptabilité carbone ou environnementale par organisation dite attributionnelle, et dont la décroissance est devenue pour beaucoup l'objectif principal de nos sociétés, alors même que cela n'est pas pertinent (il suffit que ça le soit pour quelques entreprises pour que cette affirmation soit vraie).
L'année 2023 a vu quelques signaux faibles et remises en question de la pertinence du cadre orthodoxe émerger.
J'espère qu'en 2024 davantage de personnes contribueront à "secouer le cocotier" et construire un édifice méthodologique plus solide.
Intéressant ! Pour le 1er point, c'est toute la question de l'appréciation du scope 3 aval. Ce truc là est déjà très compliqué à évaluer de manière sérieuse (allez connaitre et compter la durée de vie des véhicules produits? et leur consommation pendant leur durée de vie?). Pour aller plus loin (en matière de conséquentielle) et pour avoir vraiment une vision globale de l'impact sur le climat, il faudrait tenir compte des émissions de second ordre ou des conséquences liées à l'usage . Voici un exemple grossier et caricatural : mon entreprise développe une solution de vélo bas carbone à longue durée de vie, que tout le monde s'arrache... bravo, sauf que cette solution est employée à grande échelle dans…
C'est toujours aussi interessant et stimulant de te lire ! Tu mets en lumière des problèmes des méthodo qui rendent conflictuels les arbitrages alors que cela devrait les faciliter. Je tiens à dire que je suis profondément partisan de l'approche conséquentialiste mais elle a le défaut d'être plus complexe à mettre en place et avec les ressources limités que sont celles des acteurs qui cherchent à entamer la transition, cette approche me parait (malheureusement) condamné à court terme, même si cela ne nous empêche pas de trouver des solutions à moyen terme. Dans cette situation inconfortable où nous restons dans une approche plus classique, ne peut on pas déjà faire évoluer les méthodes existantes pour prendre en compte ces aspérités ?…